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Les origines et les caractéristiques de l’inondation
Chaque inondation est une épreuve pour la ville et ses bâtiments ; elle révèle les défauts de leur position géographique et montre si l’espace urbain est vraiment protégé contre les débits. Un court aperçu rétrospectif court permettra de tirer des conclusions sur la fréquence des inondations de la Moskova et sur les particularités de la crue de l’année 1908. Une analyse des territoires touchés par la crue sera utile pour l’étude ultérieure de la population sinistrée de Moscou et du fonctionnement des services urbains car il montrera ce qui s’y trouve et qui sont les propriétaires et les habitants des bâtiments inondés.
1. L’inondation de 1908 dans le fil des grandes crues, ses causes et son développement
Du XVIIIe siècle jusqu’au début du XXe siècle, pendant les crues de printemps, la Moskova inonde assez souvent les rues et les quais des rives dans ses deux grands méandres. Pour cette raison sur sa rive droite, à Zamoskvoreč’e, dans l’un de ces méandres, se trouvent les quartiers les plus pauvres de Moscou, les fabriques et les potagers. Les crues annuelles représentent un coup dur pour les fabricants, les artisans et le petit peuple. De temps en temps, la Moskova se répand encore plus largement, inondant tout le centre de la ville. De pareilles inondations suscitent des débats sur la protection de la ville contre les crues. Ainsi, après l’inondation de 1783 quand le Grand pont en pierres a été détruit, l’administration urbaine a décidé de construire un canal de dérivation pour détourner une partie des eaux et, par conséquent, éviter de grands débordements.[1]
Dès avant le début du XX siècle, des échelles métriques ont été posées sur certains ponts et sur le barrage Bab’egorodskaâ (entre l’île Balčug et la rive gauche du Moskova, en amont par rapport au Kremlin), grâce auxquelles on peut apprécier le niveau des eaux, bien que les scientifiques et les services municipaux n’étudient pas les statistiques des crues. Cependant, au tournant du siècle, la situation change : les pouvoirs s’inquiètent des débordements, en relation avec la croissance de la population de Moscou et la construction progressive de nouveaux bâtiments et de fabriques sur la rive droite.
Vladimir Špejer, l’ingénieur des aménagements urbains qui s’occupe essentiellement de la rive droite de la Moskova, fait une étude attentive des crues. Pendant plusieurs années, il collecte des informations sur les grandes crues du siècle précédent et, chaque printemps, observe la variation du niveau des eaux. Après l’inondation de 1908, il fait le bilan définitif qu’il présente en 1909 dans son rapport à la réunion de l’Association des Forêts.[2]
Selon Špejer, « des inondations pareilles à cette dernière [de 1908] se passent en moyenne tous les 24 ans, et à chaque débordement, le niveau des eaux augmente d’un pied environ [30,5 сm] ».[3] Au sujet des 120 dernières années, il parle de six inondations : celle de 1788, de 1806, de 1828, de 1856, de 1879, et de 1908. Pour ces inondations, Špejer calcule les moyennes arithmétiques du niveau des eaux, et pour la période de 1876 à 1908, il donne des chiffres de toutes les crues (à voir image 1 ; le graphique est en sagènes : 1 sagène = 2,13 m). Deux grandes crues ont dépassé 4,5 sagènes, en 1879 et en 1908. Dans l’ensemble, l’augmentation progressive du niveau des inondations n’est pas visible : la période est trop courte pour voir les tendances des crues, et il faut analyser une période plus vaste ce que Špejer fait dans le rapport.
Image 1. Le niveau des crues près du barrage Bab’egorodskaâ (CIAM, f.179, inv.21, d.2573)
La municipalité, dans son rapport, s’appuie sur les mêmes données et n’ajoute rien aux statistiques de Špejer.[4] Cependant, il existe une autre source d’informations sur les crues de la Moskova : la presse. Ainsi, le journal Russkie Vedomosti complète les chiffres sur les crues de 1854 et de 1879[5], et Russkoe Slovo sur la crue de 1879[6]. Ce dernier journal parle aussi de la crue de 1854 :
« On peut mieux apprécier les dimensions du débordement par la maisonnette du garde du barrage Bab’egorodskaâ. Sur cette maisonnette appartenant à la ville, il y a une marque qui montre le niveau de la grande crue du printemps 1854 ; elle se trouve à la hauteur de 4,65 sagènes (10,14 mètres) au-dessus du niveau des basses eaux de la Moskova près du monastère Danilov. La municipalité contestait cette marque. Elle était faite de mémoire par un gardien, vieillard de 80 ans décédé il y a deux ans ».[7]
J’ai fait une table sur les crues des années 1788-1908 :
Date | Sur le barrage (mètres) | Moyenne arithmétique (mètres) |
1788 | – | 6,9 |
1806 | – | 7,09 |
1828 | – | 7,24 |
1854 | 9,8 | – |
1856 | 10,14 (?) | 7,71 |
1879 | 9,58 | 7,75 |
1884 | 8,60 | – |
1888 | 8,77 | – |
1889 | 8,71 | – |
1895 | 8,79 | – |
1908 | 10,54 | 8,52 |
CIAM, f.179, inv.21, d.2573, f.77-81; Rousskie Vedomosti; Rousskoe Slovo
Ainsi, le niveau des crues augmente effectivement peu à peu, ce qui peut être expliqué par l’augmentation progressive du fond de la rivière et de ses affluents à cause des débris et des ordures. Les inondations ne sont pas rares pour les habitants de certaines parties de la ville. Moscou les connaît depuis au moins un siècle sans que l’administration municipale se soit employée à lutter contre elles.
Une crue a une cause naturelle : la fonte des neiges par exemple ; mais il n'y a inondation que s'il y a des hommes. La construction d’un barrage peut devenir une cause de l’inondation, tout de même, ce type d’inondation est très rare à l’époque. En ce qui concerne l’inondation de 1908, au mois d’avril, les journaux notent que la débâcle a lieu extraordinairement tard.[8] Le printemps a donc été très froid. Dans Rannee Utro, un professeur de météorologie propose une explication à l’inondation. L’énumération des causes de cette calamité laisse transparaître une récrimination à l’endroit de l’administration de Moscou, accusée d’inertie:
« Cet hiver, il y a eu presque trois fois plus de neige que d’habitude. Le froid a retardé la fonte des neiges jusqu’à la fin de mars. Au début d’avril, la station météorologique a commencé à recevoir des télégrammes de toute la Russie concernant l’élévation brusque de la température ; on s’attendait à ce que la neige se fonde en quelques jours. On avait toutes les conditions réunies pour l’inondation, et la ville n’a rien entrepris pour prévenir la catastrophe ».[9]
En 1908, la débâcle commence le 6 avril. Les eaux enflent peu à peu et, vers le soir du 9 avril, leur niveau constitue déjà 6 mètres.[10] Il faut dire que les chiffres donnés par les périodiques sont ceux des jauges situées sur le Grand Pont en Pierre qui se trouve au centre de la ville, près du Kremlin, en amont par rapport au barrage Bab’egorodskaâ. Au-delà du Grand Pont en Pierre et du barrage, on mesure le niveau des eaux sur tous les ponts de Moscou, mais les chiffres ne sont pas publiés dans la presse. Ainsi, en estimant les proportions de l’inondation, il faut tenir compte qu’à l’entrée de la rivière à Moscou le niveau des eaux est plus élevé qu’à sa sortie (voir image 2). À l’ouest de la ville, plus de territoires sont inondés qu’à l’est. Le débordement de la Moskova et de son affluent Yauza commence le 10 avril, avec 8 mètres environ vers le soir.[11] La rivière atteint son plus haut niveau la nuit du 11 avril – plus de 10 mètres – et le matin du 12 avril commence à baisser très lentement.[12] Cette baisse continue jusqu’au 18 avril.[13]
Image 2. Carte des zones inondées
[1] Bol'šoj Gorod [La Grande Ville], N°14(54), 25 avril 2003 (Povod' zelo velika (Une crue énorme…) par Aleksandr Možaev)
[2] CIAM, f.179, inv.21, d.2573, f.77-81 (Trudy Moskovskogo lesnogo obŝestva (Les travaux de l’Association des forêts), 1909, livraison II)
[3] ibidem, f. 77
[4] ibidem, f. 33 (Le rapport de la municipalité N°128, 25 avril 1908)
[5] Russkie Vedomosti [Le Bulletin Russe], N°89
[6] Russkoe Slovo [La Parole Russe], N°88
[7] ibidem
[8] Rannee Utro [Le Bon Matin], N°118
[9] ibidem, N°125
[10] Russkie Vedomosti, N°82, 8 avril 1908; Rannee Utro, N°117, 8 avril; Russkoe Slovo, N°83, 9 avril ; Russkoe Slovo, N°84, 10 avril 1908
[11] Russkie Vedomosti, N°85, 11 avril 1908
[12] Rannee Utro, N°122, 12 avril 1908
[13] Moskovskoe navodnenie: istoričeskij i bytovoj očerk s risunkami (L'inondation de Moscou: essai illustré d’histoire et de vie), Moscou, 1908, l’imprimerie de la société de commerce « Baldin et Ko », p.11